• Règle Héraldique de l'alternance des émaux

    RÈGLE HÉRALDIQUE DE L'ALTERNANCE DES ÉMAUX

    Le blason est constitué de deux éléments principaux : les objets héraldiques (les partitions, les pièces honorables et les meubles) d’une part et les émaux (les métaux et les couleurs) d’autre part, colorant les premiers et le champ de l’écu. Si les objets héraldiques sont affaire d’usage et de répertoire, la situation des émaux a un caractère doublement remarquable en ce sens qu'ils ont donné naissance à l’une des seules règles du blason au sens strict du terme, et ce dès les temps préhéraldiques. La partition des émaux en deux groupes, celui des métaux et celui des couleurs, a entraîné presque automatiquement l’interdiction de juxtaposer ou de superposer deux émaux d’un même groupe dans la construction des armoiries. En d’autres termes, ne sont pas acceptables les armoiries composées de métaux uniquement ou de couleurs uniquement. Les armoiries normalement constituées alternent dans leur construction au moins un métal avec au moins une couleur. Prenons l’exemple d’armoiries dont la figure héraldique serait un lion. Si celui-ci est représenté d’or ou d’argent, le champ de l’écu se trouvera alors constitué de gueules, d’azur, de sable ou de sinople. A contrario, si le lion est d’une couleur, le champ de l’écu se trouvera obligatoirement constitué d’or ou d’argent. Les fourrures déjà pourvues d’un métal et d’une couleur peuvent côtoyer un métal ou une couleur indifféremment. Le blason accepte même les armoiries composées de deux fourrures (de vair au pal d’hermine).

    Règle Héraldique de l'alternance des émaux

    Les origines de cette règle ne sont, à l’heure actuelle, pas entièrement connues. Il est d’ailleurs illusoire de chercher une date précise ou un document consacrant la naissance de cette règle, tant celle-ci semble aller de soi. Les guerres féodales sont un tumulte de fer, les hommes en sont recouverts de la tête aux pieds, c'est une mêlée grise sous un ciel gris (la guerre se pratiquait en hiver), où seules les enseignes aux couleurs franches se distinguent de loin comme de près, ce qui de facto a impliqué la règle d’alternance des émaux. Les associations blanc-rouge, blanc-noir et blanc-bleu ou encore jaune-rouge, jaune-noir et jaune-bleu ont plus d’impact en termes de lisibilité et de clarté que les associations rouge-noir, rouge-bleu, noir-bleu et, dans une moindre mesure, jaune-blanc ; la plupart des drapeaux modernes ont d’ailleurs conservé les premières associations et, lorsqu’ils sont tricolores, ils prennent souvent le soin de placer le métal entre deux couleurs. Notons que les panneaux de signalisation routière, pour être facilement identifiables de loin, utilisent le même procédé, preuve s’il en est de l’efficacité et de la pérennité du système en dehors du contexte héraldique.

    Règle Héraldique de l'alternance des émaux

    Le glissement de cette règle des bannières au champ de l’écu concourt au fondement de la science héraldique. Le bouclier médiéval, par sa composition mixte de cuir bouilli ou de planches de bois peint, renforcé par des pièces métalliques dorées ou argentées, a certainement renforcé l’usage de cette règle, prêtant du même coup au jaune et au blanc leur terminologie héraldique de métaux, d’or et d’argent.

    La règle d’alternance des émaux fut respectée de tout temps et dans tous les pays, qu’ils soient d’héraldique classique ou d’imprégnation plus récente. Les infractions à cette règle dans un ensemble d’armoiries donné sont d’environ 1 %. Seuls les royaumes de Grenade et de Castille et quelques régions du nord et de l’est de l’Europe ont une propension plus grande à l’effraction, d’un peu plus de 2 %, ce qui reste, somme toute, raisonnable. Le blason décrit ces armoiries ne respectant pas la règle comme armes à enquerre, ce qui signifie armes dont il faut s’enquérir, soulignant ainsi leur rareté. Les armoiries des rois de Jérusalem représentent le plus célèbre exemple de ces armes à enquerre.

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    Hormis les armes à enquerre, certaines armoiries, de par leur composition même, se trouvent dans l’incapacité de respecter stricto sensu la règle d’alternance des émaux. Ainsi, les écartelés (voir les partitions héraldiques) dont les quartiers peuvent être armoriés indépendamment les uns des autres, amènent parfois la juxtaposition de plusieurs champs de couleur ou de plusieurs champs de métal. Chose acceptable si on considère les écartelés, non pas dans leur globalité, mais comme l’association de plusieurs armoiries appliquant la règle d’alternance des émaux, uniquement dans le contenu respectif de chacune. C’est le cas, aussi, des armoiries dotées d’une figure brochante sur un champ déjà constitué d’émaux alternés. Le champ de l’écu et la figure brochante seront traités indépendamment. Enfin, l’héraldique accepte que les brisures ou les petites pièces, associées aux figures principales des armoiries, soient de métal sur métal ou de couleur sur couleurs. Ceci est vrai aussi pour les
    détails accessoires que sont les griffes et les langues d’animaux, ou encore les tiges et les feuilles des plantes.

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    Malgré le caractère essentiel des couleurs, il est à noter qu'environ 80 % des armoiries, tant anciennes que modernes, trouvées sur les documents, les sceaux ou les monuments, sont figurées de façon monochrome. Cet état de fait complique beaucoup l’identification de nombreuses armoiries médiévales dont l’empreinte sigillaire constitue le seul témoignage. Même si les graveurs eurent tôt fait d’utiliser des systèmes de guillochure pour différencier les métaux des couleurs, augmentant par ailleurs l’adhésion de la cire sur la matrice, il faut attendre le XVIe siècle pour qu’apparaisse un véritable système graphique, compris de tous, permettant d’identifier chacun des émaux. L’essor de l’imprimerie a encouragé l’invention de plusieurs systèmes utilisant des lettres, des abréviations ou les noms des pierres, des planètes ou des qualités appliquées théoriquement aux couleurs. Puis, renouant dans une certaine mesure avec les modèles de sceaux médiévaux, des systèmes de hachures continuèrent à être employés. L’ennui, c’est que tous ces systèmes variaient d’un pays à l’autre, d’une ville à l’autre, ou encore d’un atelier à l’autre.

    Règle Héraldique de l'alternance des émaux

    C’est au XVIIe seulement que certains graveurs par souci d’uniformité adoptèrent un système conventionnel unique, celui du jésuite italien Sylvestre da Pietra Santa, dont on a conservé le premier témoignage dans son ouvrage Tesserae Gentilitiae… publié à Rome en 1638. Ce système, toujours valable aujourd’hui, est constitué d’un ensemble de lignes parallèles ou perpendiculaires qui indiquent en fonction de leur direction les différents émaux héraldiques. Ainsi le gueules est symbolisé par des lignes verticales, l’azur par des lignes horizontales, le sable par des lignes horizontales et verticales se croisant perpendiculairement, le sinople par des diagonales descendant de gauche à droite et le pourpre par des diagonales descendant de droite à gauche.

    Règle Héraldique de l'alternance des émaux

    Les métaux sont pour leur part symbolisés par un champ blanc, vide pour l’argent et semé de points pour l’or. Ce système de hachures d’abord utilisé pour le livre se diffusa rapidement sur nombre de supports ayant recours à la gravure en relief et à la gravure en creux.

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